Pourquoi je vais au CERA

Parce que « tout être parlant a, de droit, la dignité inhérente au fait d’être sujet »[1]. L’enfant autiste, il faut bien l’éduquer, mais pas sans tenir compte de ses coordonnées subjectives. C’est la position éthique que défend le CERA pour sa première Journée d’Étude le 10 mars à Paris.

Un courant tout-éducatif traverse puissamment le champ de l’autisme, qui veut éduquer les enfants en dehors de toute référence à la clinique. Ce n’est pas nouveau. Voyez L’enfant sauvage, le film de François Truffaut. C’est très instructif de le voir avant de se rendre à la Journée du CERA. On est en 1800. Pinel donne naissance à la psychiatrie. Avec la diffusion des théories de Condillac et Rousseau, les plus beaux esprits de la société française se passionnent pour les nouvelles théories éducatives des enfants.

Jean Itard, encore étudiant en médecine, baigne dans ce courant d’idées en pleine effervescence. Dans un élan passionné mêlé d’humanisme et de ferveur scientifique, il entreprend d’éduquer Victor, l’enfant sauvage de l’Aveyron, aidé de madame Guérin, sa gouvernante. Le film témoigne que sans la référence à la clinique, l’idéal éducatif se cogne à répétition au mur du réel.

Itard veut normaliser l’enfant. Il veut éduquer Victor en tant qu’individu. Il y parvient partiellement sur les comportements et les apprentissages, en appliquant un programme méthodique à marche forcée par l’usage de la contrainte et de la récompense. Mais à son grand regret, Victor ne parle pas. Itard finit par réaliser la souffrance qu’il inflige à l’enfant et renonce au traitement éducatif, tandis que madame Guérin ne cherche pas à éduquer Victor à tout prix. Elle établi avec l’enfant un lien transférentiel favorable en place de partenaire privilégiée de sa vie courante et de ses besoins les plus humbles. Elle « améliore la position de sujet »[2] de l’enfant, ce qui lui permet de se déplacer cahin-caha dans le monde des êtres parlants.

Éduquer un enfant autiste, c’est accepter d’en passer par des détours en se montrant « docile aux fantaisies de sa pantomime »[3] pour accueillir et accompagner la singularité et les symptômes du sujet en difficulté avec le symbolique. L’éthique pour qualifier cette voie est pleinement justifiée. Elle est à conquérir sans relâche.

[1] Antonio Di Ciccia, « Le sujet et son Autre », Quelque chose à dire à l’enfant autiste, Éditions Michèle, 2011, p. 87.
[2] Jacques Lacan, « Il est bien certain que notre justification comme notre devoir est d’améliorer la position du sujet. Mais je prétends que rien n’est plus vacillant, dans le champ où nous sommes, que le concept de guérison ». Le Séminaire, livre X, L’angoisse, Seuil, 2004, p. 70.
[3] Jacques-Alain Miller, « La matrice du traitement de l’enfant au loup », Quelque chose à dire à l’enfant autiste, op. cit., p. 24.

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Quand « ça ne va pas »

Christophe Balguerie
Psychologue Clinicien – Psychanalyste à Nantes